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Elsa & Johanna 

 « COCHRANE », BEYOND THE SHADOWS, 2018

Impression jet d’encre semi-mate sur papier baryté. Édition 1/5. 80x120 cm.

La critique a d’emblée salué dans le travail d’Elsa & Johanna « l’album d’une génération ». Les deux photographes se sont rencontrées à travers leur passion commune pour l’observation des passants et ce qu’elle dit de leur époque. Johanna Benaïnous et Elsa Parra se glissent tour à tour dans la peau des personnages qu’elles observent, qu’elles imaginent ou qu’elles rêvent. En pratiquant la fiction, elles illustrent leur époque, elles établissent un catalogue de types sociaux et de récits contemporains. 

Au fil des images, Elsa & Johanna se transforment et rendent vivants, avec une justesse de grandes comédiennes, les histoires et les personnages qu’elles convoquent, tandis que les traits de leurs visages, qu’on retrouve de photographie en photographie, leur donnent un caractère universel et une familiarité qui n’est pas sans rappeler le retour des personnages caractéristiques de l’écriture balzacienne. Les tableaux que dressent les deux artistes sont frappants de minutie, dans la disposition des objets, ou la trivialité d’un soin du visage. Pas de décor en carton-pâte ou d’éclairage de studio, Elsa & Johanna composent leurs images dans des environnements bien réels - généralement loués à des particuliers - pour se glisser au plus près de leur siècle. La série « Beyond the Shadows » est un arrêt sur image d’une série hollywoodienne qui nous donne envie d’aller jusqu’au générique de fin. L’organisation du travail de prise de vue, le sens du détail et la parfaite maîtrise de la lumière font rêver le spectateur qui rentre dans la scène du film, pénètre les lieux, comme des enquêteurs qui veulent percer un mystère. 

Comme Balzac à son époque, Elsa et Johanna brossent un portrait féroce et lucide de notre comédie humaine actuelle, en épinglant l’utilisation permanente de notre image, le partage de notre quotidien via les réseaux sociaux, la revendication d’appartenance d’une catégorie. Cette mise à nu s’efface peu à peu dans la performance d’Elsa et Johanna qui nous conduit vers l’envie et le bonheur de vivre et de conserver nos jardins secrets. 

Oriane Bonifassi